|\ | | | /| Biographie | \ | | | / | | \ | | | / | Par Dave Wilkins, Traduction Française de Laurent CARON | \ | | | / | Merci de ne pas diffuser ce document sans | \| | |/ | l'autorisation de l'auteur Chapitre 00 : Introduction -------------------------- Le premier concert de Trent Reznor est étonnant pour un homme qui sera connu plus tard pour sa musique noire, morbide et souvent désespérée : les Eagles. Il était adolescent, il accompagnait son père, et le spectacle l'a tellement enthousiasmé que le jour suivant, il s'est précipité dans un magasin k-mart pour y acheter un t-shirt des Eagles ! A ce moment-là, le jeune Trent n'imaginait sûrement pas que presque 20 ans plus tard, des milliers de fans se rueraient dans des magasins similaires pour acheter des t-shirts à son effigie, et que son propre groupe, Nine Inch Nails, serait perché au sommet du monde musical. Chapitre 01 : Suffocation ------------------------- Comme pour beaucoup de grands auteurs-compositeurs avant lui, l'enfance de Trent Reznor a eu un effet majeur sur ses penchants créatifs. Elevé par ses grands-parents à partir de l'âge de 5 ans (après le divorce de ses parents, Nancy Clark et Mike Reznor), Trent a grandi non loin d'une petite ville caricaturale, stéréotypée et rurale dénommée Mercer, située non loin de Pittsburgh. La jeune soeur de Trent, Tera, a fait peu de chose pour apaiser son sens de la solitude, et Trent était un adolescent calme et introverti. Il était boy scout, il aimait faire des maquettes d'avions : un adolescent très normal. A cette époque, sa passion était le skateboard. Au lycée, il était populaire auprès de ses camarades, et c'était quelqu'un qui avait des goûts politiquement corrects : son premier album acheté fut "The Partrige Family" ! Quand le mouvement punk s'est effrondré, Trent était complètement passé à côté. Il n'y avait en effet aucun disque "alternatif" dans les minuscules magasins de sa ville, et aucune radio d'université pour en parler : le phénomène ne le toucha donc pas. Il se refugiait plutôt dans les bandes dessinées et la science-fiction. Son grand-père, un vendeur de meubles dénommé Bill Clark, l'a encouragé à jouer du piano, et l'a poussé à faire carrière comme pianiste professionnel. Cependant, très tôt Trent a eu un penchant pour d'autres musiques que le classique. En effet, il avait réussi à acheter un clavier Moog à bon marché et il reprenait ses groupes préférés. Un de ses premiers groupes repris fut Kiss, mais il s'en est vite éloigné pour se plonger dans l'album mythique "Low" de Bowie, et dans des groupes moins connus comme Einsturzende Neubaten ou The Hyper-Percussive Text Dept. Son univers musical s'est étendu quand il est entré à l'université de Allegheny College pour étudier l'ingénierie informatique. Bien qu'il soit loin d'être un solitaire, il ne reconnaissait pas dans la fraternité et le machisme des joueurs de football américain autour de lui, et par conséquent il se mis à dos les membres des sections les plus populaires de l'université. La musique lui apporta des amis, et ce fut à ce moment que la première vague de musique électronique imprimait ses marques. Les groupes les plus populaires, comme Human League et Xtc, ont ouverts la voie, et les synthétiseurs high-tech ont commencé à faire surface dans la culture de la musique populaire. A cette époque, les experts se disputaient sur la validité de ces machines, et pendant des années des écoles de pensées s'affrontaient en annonçant ou en niant la mort de la musique "réelle". Reznor, pour sa part, était complètement fasciné. Inévitablement, il s'est trouvé impliqué dans divers groupes, commençant dans un groupe de rock dénommé "Option 30". Ensuite, il a fait partie d'un autre groupe surnommé "The Problems", qui eu un bref instant de gloire en 1987 en jouant dans le film "Light Of Day" un groupe qui reprenait des chansons de Buddy Holly. Trent y jouait du clavier. Avant Nine Inch Nails, Trent a joué dans The Urge, The Innoncents, Slam bam boo, Lucky Pierre et les Exotics Birds. Cependant, il n'avait pas encore composé sa propre musique. Il manquait tellement de confiance en lui qu'il avait réfuté cette perspective. Jusque-là, il vivait dans un appartement dépouillé de Cleveland avec le futur membre de Nine Inch Nails Chris Vrenna. Travaillant dans un magasin de musique et pour un studio, Reznor pensait de plus à plus à ses idées musicales. Frappé d'ostracisme par ses pairs pour son apparence et son mode de vie, Trent s'isole et commence à créer et écrire ce qui le propulsera vers la gloire. Pour vivre, il a fait un grand nombre de petits boulots, comme employé de magasin et même nettoyeur des toilettes d'un studio local - en blaguant, il a raconté à un journaliste qu'il avait probablement essuyé quelque "oeuvres" de célébrités ! En plus de ses influences historiques (Bowie, Lou Reed, le Velvet Underground, Throbbing Gristle), Reznor a été aussi fasciné par le travail de deux groupes plus contemporains : Skinny Puppy et surtout Ministry. Ces pionniers de ce qu'on appelle communément le son "industriel" ont fourni beaucoup d'inspiration au talent latent de Trent Reznor. Reznor admirait particulièrement le leader charismatique et énigmatique de Ministry, Al Jourgensen. Ainsi, à 23 ans, Trent était prêt à écrire ses propres chansons sous le nom de Nine Inch Nails. Chapitre 02 : Genèse industrielle --------------------------------- Avec une bande de démonstration rudimentaire achevée, Reznor a contacté quelques maisons de disques soigneusement choisies, qui ont presque toutes manifestées au moins un minimum d'intérêt. Une en particulier, TVT, fut enthousiasmée et signa rapidement Nine Inch Nails sur son label. En raison du travail intensif de Trent, de son éthique et de sa passion pour sa musique, le travail était déjà bien entamé sur un grand nombre de chansons, chansons qui allaient composer le premier opus de Nine Inch Nails. Les premières notes connues furent le mythique son industriel du générique de "industrial nation", qui attira suffisamment l' attention pour que Nine Inch Nails reçoive le soutien de Skinny Puppy, Jesus and Mary Chain et Peter Murphy. La richesse du matériel créé fit qu'en 1989 le premier album était prêt pour la sortie. Appuyé par une production maîtrisée par de grands noms comme Adrian Sherwoord, Flood et Keith Leblanc, l'album promettait d'être intéressant, même si à cette époque, la popularité de Reznor était faible. Ce premier album, dénommé Pretty Hate Machine, était un disque brutal, d'approche difficile par son aggressivité. Il fut enregistré en un mois en Angleterre, avec John Fryer. Le premier titre, le futur single "Head Like a Hole", était peut-être le titre le plus accessible d'un album intransigeant et venimeux. Rempli de percussions arides, de voix lacérées et de guitares aussi rapides que stridentes, l'album s'enfonce morceau après morceau dans ce qu'un journaliste appela un "terrorisme techno". Un autre futur single, "down in it", fait plongé le funk dans une mixture de bruits, tandis que l'âme redresse la tête dans la quasi-ballade "sanctfied". La dance mélangée avec la techno se heurte à une myriade d'autres styles dans un kaléidoscope, un carambolage musical : un pur carnage auditif. Dans ses paroles, Reznor chante les relations brisées, l'insécurité, la solitude et beaucoup d'autres émotions froides et troublantes. En dépit de son inspiration dans la musique industrielle, Trent a de manière claire un sens aigu de l'accessibilité. En effet, une des raisons pour lesquelles il appréciait tant Ministry était que Al Jourgensen arrivait toujours à tisser une mélodie dans son maelström de bruit. Ce sens de l'accessibilité rendait plus vendable Pretty Hate Machine qui, bien qu'il fut loin d'être un album commercial, n'avait rien à voir avec quelques-uns des premiers travaux de musique industrielle [dont certains sont parfaitement inaudibles]. Malgré son côté abrupt, Pretty Hate Machine a presque atteint le top 100 du Billboard, et avec le succès de Nine Inch Nails il a dépassé le million d'exemplaires vendus. A sa sortie, il a reçu quelques critiques positives et a certainement engendré de la curiosité sur la tournée à venir. Sur disque, le travail de Reznor était terrible : sur scène, c'était simplement effrayant. En tant que centre incontesté de Nine Inch Nails, Reznor a recruté un ensemble de musiciens de qualité qui ont participé à des shows frénétiques et souvent violents. Reznor était connu pour briser en morceaux ses guitares, pour bousculer les membres du groupe et pour se débattre dans ce qui semblait être une fureur contiue. Pour les non-initiées, c'était une vision effrayante. Reznor pense que les concerts sont presque des batailles entre le public et le groupe, et il cherche à provoquer ce public. S'il est passif, Reznor devient plus agressif et relance cette bataille. Sur scène, Nine Inch Nails est très étrange à voir. Enduit de noir, Reznor porte des filets, des t-shirts sombres, des tenues de combat et plein d'autres vêtements noirs. Des coupes de cheveux bizarres, de l'eye-liner noir, du rouge à lèvre mélangé à de la poudre blanche : voilà les ingrédients qu'utilisaient les membres du groupes. L'ensemble donnait une vision pseudo-gothique, presque morbide. Parmi les dates-clés dans cette période, il convient noter une performance légendaire et terrifiante à un important rassemblement musical à New York, et même une première partie pour les Guns N'Roses au gigantesque stade de Wembley, en Angleterre. La popularité de Reznor, au centre de tout ce chaos, prennait de l'ampleur. Bien que Reznor était réservé et souvent réticent à aller au fond de ses pensées en interview, les médias musicaux ont commencé à le considérer comme une figure irrésistible. La popularité de Reznor augmentait au même rythme que les ventes de Pretty Hate Machine. Chapitre 03 : Des problèmes pour la bête de la route ---------------------------------------------------- Cette célébrité croissante connu un tournant majeur quand Nine Inch Nails fut à l'affiche de l'édition 1991 du Lollapalooza tour, le festival itinérant conçu par Perry Farrell (leader de Jane's Addiction). Vitrine d'une pléthore de styles musicaux, le tour comportait aussi des forums sur des questions d'actualité qui intéressaient les jeunes. Cette année-là, les forums concernaient Freenpeace, les libertés civiques et les non-pacifistes pendant que les scènes principales voyaient défiler les meilleurs groupes alternatifs du moment, comme Nine Inch Nails, ICE T, Living Color et Jane's Addiction (pour n'en citer que quelques-uns). Avec des "concurrents" si adulés et prestigieux, les chances de succès de Nine Inch Nails n'étaient pas énormes. Cependant, soir après soir, la performance de Reznor a captivé les spectateurs. Une indication de sa popularité vient des magasins : les t-shirts de Nine Inch Nails représentaient les meilleurs ventes. Lollapalooza a, au cours des années, fourni une rampe de lancement pour de nombreux groupes majeurs (Nirvana, Pearl Jam, Nine Inch Nails...), mais il a aussi aidé à susciter l'intérêt du public pour la scène "industrielle". Des groupes comme Ministry, Front 242, Skinny Puppy et les Revolting Cocks ont profité de ce sursaut d'intérêt. Même si beaucoup de groupes ne se sentent pas à l'aise avec l'étiquette "musique industrielle", on peut définir leurs sons par des guitares aggressives, de rythmes de basse lourde, des cris, des chants trafiqués et des boîtes à rythme tonitruantes. Les groupes industriels et leurs fans portent des vêtements noirs, sont couverts de tatouages et de piercings et bougent violement lors des concerts. Un ensemble de communautés se formaient autour de ces groupes, et en plein centre de tout cela se trouvait Trent Reznor. En surface, la popularité de Reznor augmentait très vite, et Nine Inch Nails fut vite considéré comme un des plus grands groupes des Etats-unis, si ce n'est du monde. Derrière les coulisses, cependant, tout n'allait pas si bien dans le camp de Nine Inch Nails... Il se passera deux ans avant la sortie du second album de Trent Reznor/Nine Inch Nails, une absence longue et inquiétante pour des gens qui essayaient toujours de se dépasser. Malheureusement, cette absence pesa lourdement sur Trent, l' empêchant de progresser et travailler. Les premiers problèmes ont surgi lors de frictions entre Reznor et sa maison de disques, TVT Records. Déterminé sur sa vision de ce que devait être Nine Inch Nails, Reznor a commencé à se demander comment ses idées artistiques pouvaient s'exprimer sur ce label. Pour donner un exemple précis, TVT a rejeté l'idée d'un travail entre Reznor et Al Jourgensen sur un projet parallèle. La scission devint impossible à refermer quand Trent s'aperçu que le seul moyen de se sortir du contrat était le procés, et qu'il risquait de perdre beaucoup d'argent. Bien que les ventes de Pretty Hate Machine fussent bonnes, ce n'était pas une excellente option. Se sentant étouffé, Reznor a pensé un moment à diffuser gratuitement sa musique, mais il préféra essayer de casser son contrat avec TVT. La bataille juridique qui s'ensuivit fut longue et difficile, et finalement Reznor ne fut pas autorisé à briser l'accord signé. Mentalement, ce fut une période très difficile pour le chanteur. Des rumeurs prétendaient qu'il était proche de la dépression nerveuse, et des gens du métier prétendaient qu'il devenait de plus en plus retiré et circonspect vis-à-vis du monde extérieur. La rupture d'avec sa petite amie de longue date a exacerbé la fatigue morale de Reznor, et les tournées incessantes (nécessaires pour financer la bataille juridique) l'avaient épuisé physiquement. Reznor devait trouver une issue pour sa musique, et ce fut la sortie du mini-album Broken. Enregistré dans le secret presque total, ce projet sortit à l'automne 1992, et fut accueilli par des acclamations. Les 6 morceaux étaient beaucoup plus durs que ceux du premier album : c'était le reflet des périodes difficiles que Trent venait de traverser. Morne, desespéré, dégoûté et dégoûtant, l'album était peut-être un des plus inaccessibles à entrer dans le "top ten" du billboard - une preuve de la popularité de Trent. Un projet musical jumeau, Fixed, sortit après broken. C'était un ensemble de morceaux remixés de Broken. Ce travail, différent des précédents, fut applaudi par la critique malgré son étrangeté. Pour sceller l'aspect extrême de ce projet, Trent a enregistré un clip pour "Happiness In Slavery" qui est sans aucun doute l'un des clips les plus choquants visuellement jamais filmés. En montrant l'artiste sado-masochiste Bob Flanagan se faitre torturer et mutiler, ce clip frappe de plein fouet la morale américaine. Bien évidemment, il fut interdit sur l'antenne de MTV. Au Royaume Uni, la censure a demandé la saisie du clip auprès de la maison de disques, et exigeait qu' aucune copie ne soit faite. Ce qui est amusant, c'est qu'en même temps Broken a gagné un "grammy award" en tant que "best metal performance" ! Derrière les coulisses, la carrière de Trent était toujours sur le fil du rasoir, mais une lueur d'espoir se présenta quand Jimmy Lovine, co-fondateur d'Interscope Records (avec Marky Mark et Gerardo) a exprimé sa grande admiration du travail de Trent. Informé des batailles juridiques entre Reznor et TVT, Lovine a simplement racheté cette dernière ! Il a ensuite donné son propre label à Trent, Nothing Records, et carte blanche pour laisser s'exprimer son génie. Enfin libre, Reznor allait passer à la phase suivante dans sa domination du monde de la musique... Chaptitre 04 : Spirales de cochons ---------------------------------- Déjà considéré comme une figure contestaire, Trent a lancé une nouvelle contreverse avec le choix du studio pour son album suivant. Les sessions d'enregistrement de cet album eurent lieu au 10050, Celio drive à Los Angeles. C'est là que se trouvait la célèbre maison où 25 ans plus tôt Charles Manson et ses adeptes ont tué brutalement 5 personnes, dont l'actrice américaine Sharon Tate (qui était la femme de Roman Polanski, et qui attendait un bébé de lui). Manson pensait déclencher une guerre entre les blancs et les noirs en faisant croire à un meurtre perpétré par le groupe activiste "The Black Panters". Cependant, quand elle comprit ce qu'il s'était passé, l'Amérique entière fut horrifiée. Le choix de Reznor pour l'enregistrement de sa musique allait créer des problèmes, bien qu'il affirmait ne rien connaître de l'histoire de la maison quand il décida de s'y installer. Son choix fut décidé par la belle vue qu'on y avait, et la proximité du "Sunset boulevard" et du célèbre night-club "Whisky à Go-Go" qui s'y trouve. La phase d'enregistrement fut longue et difficile pour Trent. D'abord, il souffrait d'une panne d'inspiration, et les progrès étaient lents et laborieux, même s'il passait 15 heures par jour (parfois plus) dans l'isolement total. Heureusement, une discussion avec son ami Rick Rubin a débloqué la force créative de Trent, et un torrent de nouvelles chansons commença à jaillir. En quelques mois, l'album prit forme, et en 1994 il était prêt à être présenté à un public qui l'attendait frénétiquement. Sorti au printemps 1994, et intitulé "The Downward Spiral", le second album de Reznor et Nine Inch Nails était un pur chef-d'oeuvre. Y avaient collaborés des musiciens prestigieux, comme Adrian Belew (le chanteur et guitariste de King Crimson, qui avait travaillé avec Paul Simon et David Bowie), Steven Perkins (le batteur de Jane's Addiction) et le mondialement connu remixeur Alan Moulder. Chaque note contenait le cachet unique de Reznor ! Fondé sur le concept d'un homme luttant pour rejeter tous les aspects de sa vie - religion, travail, ego, et le reste-, l'album emmène l'auditeur dans un voyage tourmenté et sombre dans les profondeurs de l'âme décimée d'un homme. Rempli de désespoir, de dégôut de soi, de haine, de sexe, de violence et d'auto-destruction, ce fut un album difficile à appréhender. Mais il est aussi tout à fait brillant. "Piggy" est déconcertant de simplicité, "Mr Self Destruct" est épique et choquant, tandis que "Big man with a gun" est dérangeant et inquiétant. Le mélange intelligent de samples, de bruits, de breaks de synthés et de manipulations vocales forme un ensemble complexe et brutal (à noter : un sample du mellotron utilisé par John Lennon sur "Strawberry fields forever" fut utilisé par Reznor dans cet album). Tordu, choquant, contraignant et effrayant, The Downward Spiral était incontestablement un classiqe moderne. De manière incroyable, malgré le côté extrême de l'album, The Downward Spiral fut un succès planétaire. L'attente était si grande qu'au moment où Reznor a finalement décidé de publier son oeuvre elle entra directement au Top 100 du billboard à la seconde place ! Les journalistes qui avaient été précédemment quelque peu ahuris par cet exploit ont commencé à remplir les archives de presse de Nine Inch Nails de centaines d'articles flatteurs. La tournée de promotion de l'album fut un succès énorme. La demande de billets était très forte, et c'est ainsi que les 60 000 places pour le grand show de Chicago se sont vendus en 220 secondes ! Pour ceux qui ont vu Nine Inch Nails sur MTV puis qui ont acheté une place de concert, le choc était énorme, et la tournée fit connaître The downward spiral et ses angoisses à travers les Etats-Unis, puis le reste du monde. Le grunge a dominé le monde pendant des années, mais cette musique plus sombre donnait l'impression que les Dieux de la guitare de Seattle jouait de la musique pour enfants. Pour beaucoup de stars, le début de la célébrité s'accompagne de forts changements. Heureusement, la confiance en lui de Reznor fait qu'il est capable de rejeter les remarques les plus féroces avec le dédain approprié. Cependant, des critiques ont écrit que que les chansons pleines de tristesse, l'image choquante, les concerts étaient en fait factice, et cela avait pour but de séduire le grand public américain. Des observateurs ont regretté que les albums soient exempts d'aspects positifs, et certains ont renvoyé Nine Inch Nails au royaume des pantomimes. Reznor, tout en ridiculisant ces commentaires aussi innapropriés que cyniques, est heureux de reconnaître que les performances de Nine Inch Nails sont fortement chargées émotionnelement - il a dit à un journaliste que "Nine Inch Nails, c'est surtout du théatre. Ce qu'on fait est plus proche d'Alice Cooper que de Pearl Jam". A l'étranger, le deuxième album majeur de Reznor a rencontré les mêmes acclamations. Au Royaume-Uni, la tournée dût être prolongée en raison d'une demande non satisfaite de billets. En Extrême-orient l'accueil était fanatique. De retour aux USA, Nine Inch Nails a joué deux concerts "d'échauffement" soit-disant secrets sur la Côte Ouest, concerts qui furent envahis par une foule frénétique de fans. La violence des concerts continua - le clavier james woolley a été presque assomé lors de la tournée précédente, et il eut une main cassée durant une mêlée sur scène lors de celle-ci. Tout autour du monde, à chaque fois que le groupe commençait le concert par "Terrible lie", la foule vivait une expérience extatique et vraiment mémorable. Chapitre 05 : Bande-son du tueur-né ----------------------------------- Une des plus grandes prestations de Nine Inch Nails fut aussi celle de l'un des plus grands festival de tous les temps. Woodstock II fut conçu dans l'intention de révoquer le sentiment d'unité et d'amitié qui fut engendré par le premier festival de Woodstock, en 1969. Ensuite, le Flower Power et l'état d'esprit des années 60 firent que l'amour libre, le psychédélisme et l'amour en groupe devinrent monnaie courante. Vingt-cinq ans plus tard, 350 000 gosses se sont retrouvés dans des champs boueux au fin fond de l'état de New York pour une expérience totalement différente. Les membres du groupe étaient nerveux - peu habitués des foules si importantes, ils ne savaient pas comment les fans réagiraient, surtout qu'un public trempé par la pluie et couvert de boue ne doit pas être très à l'aise. Sur le chemin du concert, cependant, Reznor a poussé Danny Lohner tête premièredans la boue, et un combat de boue s'ensuivit, de telle manière qu'ils arrivèrent sur scène couverts de terre ! Leur nervosité avait disparu et le spectacle fut réellement à couper le souffle. D'une certaine façon, c'était l'ironie suprême : un festival fondé sur un héritage d'amour et de paix dans lequel la bile et le venin de Nine Inch Nails ravit la vedette, c'est peut-être l'ultime paradoxe. La frénésie autour du groupe augmenta encore d'un cran. La contreverse suivante fut engendrée par quelque chose que Reznor trouva naturel de faire. Il n'est donc pas surprenant de le voir produire la bande-son d'un des films les plus décriés de tout les temps : Natural Born Killers (en français, Tueurs-Né ou Le Meutre dans le Sang), le brulôt contre la société américaine signé Oliver Stone. Narrant les exploits d'un couple maniaque et amoureux s'amusant à commettre des meurtres (couple incarné par Woody Harrelson et Juliette Lewis), cette fable a outré de nombreux pans de la société tout autour du monde. Les complexités et la critique moqueuse de la machine de médias américaines que l'ont trouvait dans le scénario furent masqués par une campagne de censure qui demandait que le film soit interdit. Cela a si bien fonctionné qu'il est introuvable dans certains Etats, mais pratiquement partout les recettes pour le film étaient énormes. Une partie de la qualité filmographique de Natural Born Killers vient de l'exceptionnelle bande originale, toujours adaptée au récit (malgré la complexité et la vitesse de ce dernier). Rarement un film avait un fond sonore si adapté à son discours, et le résultat était stupéfiant. Trent Reznor fut chargé de cette b.o., et c'est probablement l'un des meilleurs albums de ce genre jamais réalisé ! Précédemment, les bandes originales ne sortaient pas des sentiers battus, même si avec Terminator 2 (et ses musiques des Guns n'Roses) et The Crow (et ses morceaux signés de la crème de la scène alternative, comme Helmet, Rage Against The Machine ou Pantera) la forme commençait à changer. Si ces films (et d'autres) ont commencé à changer l'idée qu'on se faisait d'une bande originale de film, le travail de Trent sur Natural Born Killers l'a complètement redéfini. Cela peut paraître ironique, mais Reznor avait été contacté par Stone lui-même seulement pour voir s'il pouvait utiliser des titres de Nine Inch Nails dans le film. Quand Reznor a assisté à une projection privée, il fut si abasourdi qu'il décida de la sortir du son propre label, Nothing records (qui venait de signer Pop Will Eat Itself [qui créditait souvent Reznor pour l'inspiration], et qui avait signé aussi Coil, Plug, Prick et Marilyn Manson). Sans discontinuité, contenant des artistes tels que L7, Patti Smith, Lard, Jello Biafra et Dr. dre, la bande-son était vraiment brillante. Il est intéressant de noter qu'un seul nouveau morceau de NIN en fait partie : c'est "Burn" qui a été écrite exprès pour le film, et qui apparaît dans les crédits finaux. Une grande partie du travail sur ce film fut fait pendant la tournée européenne de The Downward Spiral : ce patchwork détonnant est né dans des chambres d'hôtel et dans le bus de la tournée ! Au final, Reznor a vu Natural Born Killers plus de 70 fois avant de finir le projet ! Chapitre 06 : Succès et repos ----------------------------- 1995 a commencé avec de plus en plus de dates de concerts, avant que Reznor commence à arrêter la machine monstrueuse qu'avait été le "Downward Spiral Tour". Sur quelques dates, le Jim Rose Circus assurait la première partie. Ce cirque donne un spectacle totalement incroyable, avec quelques artistes très étranges (M. Lifto par exemple, peut soulever des objets lourds avec ses testicules, ou un homme tatoué sur tout le corps, entre autres). Etonnament, des histoires de coulisses disent que les fêtes que faisaient ensemble Nine Inch Nails et le Jim Rose Circus étaient aussi étonnantes que les shows ! Certains de leurs agissements font maintenant partie de l'histoire du rock n'roll. A ce moment, Reznor était considéré comme symbole sexuel par des millions de femmes dans le monde entier. Malheureusement, Reznor allait entrer dans une période difficile, où des batailles juridiques et d'autres "distractions" allait retarder le prochain album de Nine Inch Nails. Reznor a subit un procès sur une violation à la loi sur le copyright, et même s'il fut relaxé, les difficultés qui s'ensuivirent l'empéchèrent de se concentrer pleinement sur la création d'un nouvel opus. Pendant que le public attendait, le souffle court, le troisième album, Reznor était très occupé. Il a remplit son rôle de producteur pour des artistes de son label, Nothing Records. Il a magnifiquement produit l'album Antechrist Superstar de Marilyn Manson, ce qui prit plus de temps que les deux mois initialement prévus. La tournée qui suivit cet album a renforcé l'idée que Manson pourrait être le successeur de Nine Inch Nails en terme de succès mondial. Certaines chansons de cette album furent enregistrées dans les nouveaux studios de Reznor à la Nouvelle-Orléans. Ces studios sont une ancienne maison de pompes funèbres, et on y trouve la porte de la maison de Sharon Tate sur laquelle les disciples de Manson avaient écrit le mot "PIG" en lettres de sang. Pantera, Coil, et donc Marilyn Manson y ont enregistré des morceaux. Trent a ensuite déménagé de la Nouvelle-Orléans vers Cleveland, et il eut la mauvaise surprise de voir sa nouvelle maison et son adresse en première page des journaux locaux le jour de son arrivée ! Sa résidence magnifique est aussi la demeure de deux chiens, et d'un chat dénommé fuckhop ! En septembre 1996 eurent lieu au "Irving Plaza" 3 nuits de folie, dans laquelle les artistes de Nothing Records se produisirent dans un show nommé "The Nights of Nothing". La notoriété de Nine Inch Nails, et celle naissante de Marilyn Manson attirèrent une foule considérable. Reznor s'impliqua ensuite dans divers projets parallèles. En tant que fan du jeu vidéo Doom, il pris beaucoup de plaisir à créer la bande-son de Quake, la suite tant attendue de Doom II. De même, en tant que fan de Tori Amos il travailla avec elle sur la chanson "Past the mission". Il est amusant de noter que si elle parle de "clous de neuf pouces" (Nine Inch Nails) dans une chanson de son album "little earthquakes", ce n'est pas là que Trent a trouvé son nom de groupe. Il dit qu'il en avait trouvé 200, mais que la plupart ne tenaient pas deux jours. Nine Inch Nails a tenu deux semaines, et ca sonnait bien ! Tori Amos parle aussi d'une "pretty hate machine" dans le morceau "caught a light sneeze". Son amitié avec Courtney Love (la veuve de Kurt Cobain) a fait que Reznor était souvent à la une des magazines "people". La prolifération de sites web et de forums de discussion sur le groupe, rassemblés sous le nom de "Ninternet", témoignait la fascination de milliers de fans pour Reznor, fascination intacte malgré l'absence d'information sur un nouvel album. La sortie de la double cassette vidéo "Closure", qui incluait des séquences backstage de la tournée et des clips parfois inédits aidait le public à patienter. Pendant ce temps, Reznor travaillait avec son héros, David Bowie. Les deux personnages semblaient, en dépit de leur différence d'âge, avoir beaucoup en commun, en particulier leur particularité à produire de l'innatendu. Reznor a travaillé sur le morceau "I'm afraid of america" et a tourné avec lui en 1996 (aux Etats-Unis seulement), et les deux musiciens sont devenus de bon amis. Reznor a aussi travaillé avec le groupe Tapeworm, qui est un frère de Nine Inch Nails : on y trouve Danny Lohner et Charlie Clouser, et des idées qui sont innapropriées pour un groupe peuvent ne pas l'être pour l'autre. A la différence de Nine Inch Nails, les musiciens sont impliqués fortement dans le processus de création, de manière collaborative. En même temps, Trent a fait divers remixes, pour Goldie et Puff Daddy par exemple. Si David Bowie était le héros musical de Trent, c'était David Lynch, l'auteur de Twin Peaks, son héros cinématographique. Reznor a tenté de contacter Lynch pour voir s'ils pouvaient travailler ensemble, mais cette tentative s'était conclue par un échec. Ironiquement, Lynch a contacté ensuite Interscope, car il désirait travailler avec Reznor sur la bande originale de son nouveau film, Lost Highway. Lynch est allé jusqu'à la Nouvelle-Orléans, il a rencontré Reznor et lui a demandé de composer une musique, après lui avoir seulement expliqué verbalement une scène du film! Inutile de le dire, le résultat final fut incroyable! Un titre de la bande originale fut le premier nouveau morceau de Nine Inch Nails depuis un bout de temps. "The Perfect Drug", stupéfiant morceau industriel rempli de percussions et de basses, sortit sous la forme d'un single, et un clip magnifique fut réalisé. Etrangement, seuls 10 secondes de ce morceau ont été utilisés dans le film. Le nouvel album de Nine Inch Nails posait clairement de nouveaux défis créateurs pour Reznor. Il s'est beaucoup exprimé sur sa peur que Nine Inch Nails pouvait glisser dans la parodie, et il a souvent dit qu'il était fatigué de la musique industrielle. Cela se ressent dans le nom du producteur : Rick Rubin. Une rumeur prétendit que Reznor avait même téléphoné à Bono de U2 pour parler de la manière de faire évoluer sa musique de manière globale tout en gardant l'intégrité de la créativité intacte. C'était pour tout cela que le nouvel album était annoncé comme étant plus orienté "drum and bass" qu'industriel. Reznor a déclaré que cet album allait aliéner nombre de fans purs et durs de Nine Inch Nails, mais il posait en fait les fondations d'un son radicalement différent. Ce n'est pas vraiment une surprise : Pretty Hate Machine a redéfini la musique industrielle, et posé de nouvelles règles pour la dance music; Broken a rencontré un grand succès critique bien qu'il soit beaucoup plus difficile d'accès que son prédécesseur; The Downward Spiral a été un grand pas vers plus de guitare et de percussions. Quant Reznor affirmait que le nouvel album serait plus orienté chanson, avec peut-être des influences jungle et hip-hop, le monde ne pouvait pas deviner ce qu'il allait faire. Chapitre 07 : Fragilité ----------------------- En septembre 1999, l'album le plus attendu de sa génération sort. Succès immédiat, The Fragile est un album dantesque : deux disques (right et left), remplis de chansons violentes, tendres, d'instrumentaux magiques et de synthétiseurs lourds. Le groupe enchaîna une tournée phénoménale, avec un line-up quasiment identique à celui de 1995 (seul le batteur, Chris Vrenna, fut remplacé par Jerome Dillon). Fragility sera un réel succès, en Europe, en Asie puis en Amérique. NIN brise des années de silence avec un génie rare. Si les singles qui suivirent l'album furent des échecs commerciaux, les clips connurent un gros succès public, surtout le génial Starsuckers qui marque la réconciliation entre Trent Reznor et Marilyn Manson, après des années de brouille. En attendant la préparation d'un CD/DVD retraçant la folie et l'énergie de la tournée Fragility, Trent a participé à la bande originale du film "Tomb Raider", avec un inédit "Deep", qui sera suivi d'un clip étrange. Chapitre 08 : Avec les dents ---------------------------- Après la sortie de And All That Could Have Been, c'est le grand calme. Trent décide en 2004 de casser les liens avec son manager, ses studios (les studios Nothing) et sa maison de disques (Nothing Records). C'est aussi, hélas, la fin du projet Tapeworm qui faisait languir les fans depuis 7 ans... Après des années d'errance, de problèmes de drogues et d'alcool, Trent se remet à l'ouvrage en 2004, débarrassé de ses démons, et livre en mai 2005 un nouvel album, plus pop, moins sombre, une pure merveille composée de 13 morceaux : With Teeth marque un renouveau dans le groupe. Le Line-up a changé. Robin, Charlie, Danny, les vieux compagnons sont partis. Ils sont remplacé par l'ancien bassiste de Marilyn Manson, Jeordie White (alias Twiggy Ramirez), et par un guitariste et un clavier quasiment inconnus : Aaron North et Alessandro Cortini. La nouvelle tournée fait carton plein, et le groupe repart à la conquête du monde... Crédits ------- Cette biographie a été écrite par Dave Wilkins : on peut la trouver à l'adresse http://nine-inchnails.hypermart.net/bio/index.html La traduction est l'oeuvre de Laurent CARON , l'auteur de NIN : La page française (http://www.mihalis.org/NIN/) Remerciements spéciaux de l'auteur à Paul Bromfield, Star Profile, Masterrights ltd, Point Entertainment ltd...